Charles Vezinat (1685 – 1755)

CHARLES VEZINAT
(1685 – 1755)
SCULPTEUR

Il ne s’agit pas ici d’une biographie exhaustive de Charles Vezinat.
J’ai voulu simplement regrouper l’essentiel de l’information concernant
sa vie et ses oeuvres…

Charles Vézina, né le 25 janvier 1685, est le deuxième fils de François Le Puîné et de Marie Clément. Le 27 juillet 1705, Charles âgé de 20 ans épouse Louise Godin à L’Ange-Gardien; elle lui donnera neuf enfants.

De sa formation artistique, on peut reprendre les paroles de John R. Porter au sujet des sculpteurs Noël et Pierre-Noël Levasseur, ses contemporains: «On sait peu de choses de leur formation. Sans doute apprirent-ils d’abord le métier de menuisier auprès de leurs pères respectifs avant de travailler sous un maître sculpteur de Québec ou de Montréal»(1) p.157

Pendant longtemps, on a pensé que Charles avait probablement reçu sa formation des mains des maîtres-enseignants de l’école des Arts et Métiers de Saint-Joachim, près de Québec, qu’aurait fondé Mgr de Laval vers 1668. Mais l’enseignement et l’existence même de l’institution demeure un fait discutable écrit Micheline Blouin: «Tous les manuels d’histoire du Québec et du Canada antérieurs à 1975 ont mentionné qu’il y avait à Saint-Joachim une école d’arts et métiers… qui aurait dispensé des cours de peinture, de sculpture et d’architecture» . (2) p.14

 La question concernant l’existence de cette école fut examinée en 1975, par l’historien Peter N. Moogk de Colombie Britanique. Celui-ci arrive à la conclusion qu’il y a bien eu une école élémentaire à Saint-Joachim, mais pas d’école des Arts et Métiers; ce serait, selon cet auteur, un phénomène inusité pour l’époque, car la transmission du savoir en France (et aussi en Nouvelle-France) se faisait auprès des artisans eux-mêmes, dans leur atelier, et non dans des écoles. (2) p. 15

Au début de la colonie, les paroisses et les communautés religieuses font venir de France des articles liturgiques pour meubler leur église ou décorer leur chapelle: tabernacles, statues, chandeliers, images en relief… etc… Malgré le fait que certaines de ces oeuvres leur sont parfois offertes en dons, cette dépendance ne parvient pas à combler les besoins de la jeune colonie; le service est lent et dispendieux. C’est pourquoi, entre 1675 et 1690, Mgr de Laval aurait fait venir de France un certain nombre d’artistes pour former sur place des artisans «menuisiers, massons, tailleurs de pierre» (3) Certains de ces artisans sont sculpteurs et œuvrent à la décoration intérieure des églises paroissiales et des chapelles des communautés religieuses, alors que d’autres s’adonnent à réparer les figures de proue des navires qui arrivent à Québec, ou cisèlent celles des vaisseaux en construction.

Parmi les premiers artistes venus au pays, mentionnons le sculpteur Denis Mallet, qui, le 24 décembre 1693, en présence du gouverneur Frontenac, s’engage à sculpter un tabernacle pour le Couvent des Récollets à Québec. Ce tabernacle sera «de six pieds deux poûces de largeur et de sept pieds de hauteur le dome compris…» (1) p.447Remarquons que le tabernacle réalisé sous le régime français, est un meuble d’art fort imposant qui, avec ses volets latéraux intimement liés au corps central, couvre toute la longueur de l’autel sur plusieurs pieds de hauteur. Le tabernacle désigne alors l’ensemble de l’oeuvre, de la table de l’autel jusqu’à son sommet. (4)

autel René Villeneuve, Le tabernacle de Paul Jourdain. Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa 1990

Charles Vézina aurait très problablement reçu sa formation des mains du maître-sculpteur Jacques Leblond de Latour, originaire de Bordeaux, débarqué à Québec en 1690 à l’âge de 19 ans. «Jacques Leblond était de toute évidence un sculpteur aussi compétent que bien formé… Bien qu’il soit difficile de définir de façon précise sa contribution personnelle, il appert qu’il travailla à l’ornementation des retables des églises de Château-Richer, de L’Ange-Gardien et de Sainte-Anne-de-Beaupré aux environs de 1700». (1) p. 342 Le retable est la pièce architecturale contre laquelle repose l’autel. Sa stature est parfois colossale; on procède à sa décoration après celle de l’autel.

 tabernacle

Tabernacle exécuté pour l’église de L’Ange-Gardien vers 1695,attribué à Jacques Leblond de Latour. René Villeneuve, Le Tabernacle de Paul Jourdain…

 Charles Vézina «fut vraisemblablement l’un des disciples et collaborateurs de Leblond. En 1707, il travailla à la sculpture de la custode, gradin et cadre du grand autel dans la chapelle Notre-Dame-de-Pitié à l’église Notre-Dame-de-Québec» (la basilique actuelle). (1) p.342 La custode est cette partie de l’autel comprise par les étages de la monstrance et du couronnement (10) (voir le plan ci-haut). Malheureusement, son oeuvre s’envola en fumée lors de l’incendie criminel qui dévasta l’intérieur de l’église en 1922.

En 1708 et 1709 Charles cisèle le retable de l’église Sainte-Anne-du-Petit-Cap (Sainte-Anne-de-Beaupré). Plusieurs années après, on le retrouve à Saint-Pierre, Île d’Orléans, alors qu’il travaille à la décoration intérieure de l’église. Michel Lessard écrit à ce propos: «Les premiers grands travaux de sculpture ne débutent qu’en 1736. À compter de cette date, Charles Vézina consacre quatre années à la réalisation du maître-autel et à d’autres éléments du mobilier». (5) Il semble même qu’il y sculptait depuis 1732, travaillant probablement sur des pièces secondaires. Pierre-Georges Roy écrit: «Les sculptures des rétables du sanctuaire et des chapelles de la Vierge et de Sainte-Anne, les colonnes, etc… furent exécutés de 1732 à 1740, par le sculpteur Charles Vézina» (6)

Encore ici, son oeuvre ne put survivre aux événements. L’église fut «fortement endommagée» lors de l’occupation par les Anglais à partir du 15 août 1759. C’est pourquoi, entre 1761 et 1769, «on procède à la réfection des bancs, des planchers et du retable du maître-autel»; et en 1795, «Pierre Émond renouvelle les autels du choeur et des chapelles, une production considérée comme l’oeuvre maîtresse de ce sculpteur et l’un des rares éléments du décor du XVIIIè toujours sur place» (3)

Enfin, suite à l’agrandissement du choeur, André Paquet «réalise la nouvelle décoration de la voûte et du retable, en 1832» (8) Entre 1728 et 1746, Charles fait différents travaux de sculpture à Pointe-aux-Trembles (Neuville), à Saint-Augustin de Québec et surtout à l’église Saint-Charles-Borromée de Charlesbourg. Il y sculpte là de nombreuses pièces de 1741 à 1746. Au livre de comptes de la paroisse en 1741, il est écrit: «Payé à Vezina sculpteur pour une garniture de chandeliers avec le crucifix et le travail du cadre de St Charles (Borromée) et pour sa nourriture 190 (Livres Tournois) et 15 (Sols)». (6) Il est encore fait mention, en 1743: «Pour le retable 60 (Livres) 2 (Sols)» ; et en 1746: «Pour parfait payement du tabernacle à charles vezina 210».

Le tabernacle et le retable furent ciselés dans du bois de noyer, tandis que la balustrade et la chaire de «très beau bois de merizier». On mentionne que la «statue de St Joachim» serait possiblement de la main de Charles. (8) p. 25 Quelques œuvres d’art furent transférées de la première église en pierres, construite de 1695 à 1702, dans l’église actuelle (1828-1833). On ne sait aujourd’hui ce qu’il est advenu d’une pièce importante de l’oeuvre de Charles, le tabernacle, qui a été «donné pour les missions le 14 janvier 1810». (9) p.25 On peut cependant admirer, encore aujourd’hui l’endadrement du grand tableau de Saint-Charles-Borromée (2 x 2.5 mètres environ) sculpté par Charles Vézina (église de Charlesbourg).

L’Abbé Victor Tremblay, historien,voyait aussi une oeuvre possible de Charles Vezinat dans un petit tabernacle à la Trappe de Mistassini, qui est daté de 1737(7).

Vers 1750, Charles réalise un retable pour l’église de Saint-Augustin. Celui-ci fut cependant «modifié et augmenté» lorsqu’on l’intégra à la nouvelle église en 1822 (1) p. 76, de sorte qu’il est impossible de reconnaître, de nos jours, l’oeuvre originale de Charles Vézina.

Charles Vézina, âgé de 70 ans, décède en août 1755 à la paroisse Les Écureuils (paroisse détachée de Neuville) où il résidait depuis plusieurs années. Il est malheureux qu’on ne puisse retrouver, aujourd’hui, quelques pièces majeures de Charles, et apprécier la qualité des réalisations de l’un des tout premiers sculpteurs canadiens.

 

(1) La sculpture ancienne au Québec, Trois siècles d’art religieux et profane. John R. Porter et Jean Bélisle, 1986, p. 157
(2) L’École des Arts et Métiers de Saint-Joachim, un fait discutable, Micheline Blouin, dans: La Société du patrimoine et d’histoire de la Côte-de-Beaupré, vol. 11, mars 2006
(3) Dictonnaire biographique du Canada, vol. III
(4) René Villeneuve,Le tabernacle de Paul Jourdain,Musée des Beaux-Arts du Canada,1990, p. 34
(5) Michel Lessard, L’Île d’Orléans, Aux sources du peuple québécois et de l’Amérique française, 1998, p. 239
(6) P. -G. Roy, L’Île d’Orléans, éd. 1976, p. 200
(7) Bibliothèque du Musée du Québec, dossier Charles Vézina
(8) Ancienne église de Saint-Pierre, Guy-André Roy, historien de l’art, doc. de l’église St-Pierre
(9) Luc Noppen et John R. Porter,Les églises de Charlesbourg, civilisation du Québec,1972, p. 25
(10) Explication donnée par Soeur Claire Gagnon du Monastère des Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, octobre 2009

 

par: Gérard Vézina
octobre 2009

GÉNÉALOGIE DE CHARLES VEZINA

1ère- Jacques Vezinat marié à Marie Boisdon, contrat de mariage le 10 juin 1640 à La Rochelle, (not Trenot ou Grenot)


2è – François Vezinat, le puîné, marié à Marie Clément, le 10 avril 1679., à L’Ange-Gardien


3è – Charles Vézina marié à Louise Godin, le 27 juillet 1705, à L’Ange-Gardien


4è génération: enfants (de Charles/Louise)


CHARLES Vezina marié à Marie-Jeanne Aide Crequy, le 26 mai 1732 à Neuville


NICOLAS Vezina marié à Josephte Rivard, le 8 novembre 1740, à Notre-Dame-de-la-Visitation, Champlain


LOUISE Vezina mariée à Nicolas Faucher, le 27 janvier 1727, à Neuville


LOUIS Vezina


FRANÇOIS Vezina marié à

(1) Marie-Anne Rouillard, le 9 janvier 1736 à Batiscan

(2) Josephte Bertrand, le 19 février 1753 à Ste-Geneviève-de-Batiscan

(3) Marie-Anne Pronovost, le 30 mai 1757, à Ste-Geneviève-de-Batiscan


LOUIS Vezina marié à Marie-Anne Faucher, le 18 janvier 1740, à Neuville


JEAN-BAPTISTE Vezina, décédé le 3 juillet 1747


ALEXANDRE Vezina marié à

(1) Madeleine Dussault, le 3 février 1749 à Les Écureuils

(2) Catherine Bertrand, le 17 août 1761, à Neuville


MARIE Vezina, dcd le 13 août 1736