L’Abbé Désiré Vézina (1836 – 1906)

L’ABBÉ DÉSIRÉ VÉZINA
1836-1906

Desire Vezina (cadre)

photo de l’Abbé Désiré Vézina
(prise chez une nièce de ce dernier dans les années ’90) par Gérard Vézina

Désiré Vézina naît à l’Île-aux-Grues le 18 octobre 1836. Fils aîné du pilote Olivier Vézina, il est le cinquième enfant de Sophie Lemieux. Olivier (dit Oliva) avait épousé, l’année précédente, la veuve de son confrère de travail, également pilote sur le Saint-Laurent, décédé par noyade à l’été 1833. Au moment de cette naissance, la jeune veuve est déjà mère de trois filles et d’un fils qu’elle a eu de son premier époux Honoré Jacques. Pour le père de 31 ans qu’est Olivier, il s’agit de son premier enfant. Désiré aura six frères dans les années qui suivront.

Bien que souvent absent du foyer par le métier qu’il exerce, Olivier est un père préoccupé de l’éducation de ses enfants; plusieurs de ses fils fréquentent le Séminaire de Québec. C’est là que Désiré poursuivra ses études classiques entre 1848 et 1858 ; par la suite, il complétera la théologie pendant cinq ans au Grand Séminaire, situé dans le même édifice.
 Le jeune homme n’a que douze ans lorsqu’il quitte son île pour se rendre « en ville » dans ce but de « parfaire son éducation ». L’aboutissement de cette formation le conduira à la prêtrise.

Le 19 septembre 1863, ce sont des parents heureux et fiers qui s’embarquent pour Québec dans le but d’assister à l’ordination de leur fils. Le hasard fait que c’est un natif de l’Île-aux-Grues, Mgr Charles-François Baillargeon, évêque coadjuteur de Québec, qui préside la cérémonie. À l’époque, il n’existe pas de gloire plus grande pour des parents que celle de voir un de leurs enfants « entrer en religion ». Avoir un prêtre, un religieux ou une religieuse dans la famille est considéré comme étant tout un honneur ; on a l’impression de participer activement à la vie même de l’Église canadienne.

En scrutant les résultats scolaires de cet étudiant, autant que les annotations de ses professeurs, on constate que dès les débuts, il est un élève brillant, studieux et déterminé. Plus tard, dès sa première année en théologie au Grand Séminaire, il donnera de l’enseignement aux élèves, ce qui lui procure un revenu annuel d’environ $40.00.

L'Abbe Desire (jeune)

L’Abbé Désiré Vézina
(avant 1875, date où le port du rabat fut abandonné )
photo: Archives de l’Archevêché de Rimouski

Par ailleurs, lors de ses dernières années d’étude, il est grandement influencé par la pensée d’un grand théologien Français, Mgr Gaume, qui prône la réforme de l’enseignement classique. Ce courant de pensée fut désigné sous le nom de gaumisme. Cette thèse met de l’avant « que les auteurs chrétiens soient les classiques exclusifs des enfants jusqu’à la quatrième inclusivement; qu’après la quatrième (à partir de versification), ils continuent à être éduqués simultanément avec les auteurs païens, «parfaitement expurgés». (1)

Par le mot expurgé, on entend que les textes ne doivent traiter aucunement « de choses lascives ou obscènes » comme l’indique la réponse de Rome à l’évêque de Québec, Mgr Baillargeon, en novembre 1866. Pour les Gaumistes les grands auteurs latins et grecs doivent être remplacés par les auteurs chrétiens, en particulier par les « Pères de l’Église » tels Saint-Jean-Chrysostome, Saint-Augustin, Saint Athanase, Saint-Ambroise, etc…

L’Abbé Désiré semble ne pas se gêner pour exprimer haut et fort ses idées et convictions concernant le besoin de réformer l’enseignement classique ; il en parle volontiers devant ses élèves. Un de ses confrères et ami, l’Abbé Alexis Pelletier publie dans l’anonymat, sous le nom de Georges St-Aimé, des articles faisant la propagande de ces « idées gaumistes ». Tout ceci aura d’importantes conséquences pour Désiré.

Par la correspondance de certains prêtres du Séminaire, on apprend ceci :

« M. Vézina, professeur de 5è a quitté le Séminaire. Et pourquoi ? Pour une affaire d’ordre. Voici son histoire. Malgré l’avertissement que lui a donné M. le Supérieur, avant son départ, de ne point agiter la question des classiques en présence des élèves, malgré les sentiments bien connus du Préfet des Études, malgré la conversation sérieuse ou M. Hamel lui dit qu’il s’exposait un jour à se faire remercier, M. Vézina n’en continuait pas moins à dire des choses tout à fait désagréables et sur l’ordre actuel de nos études et sur les personnes qui le soutiennent. Enfin, le lundi de la Semaine Sainte, une heure et demie de sa classe du matin fut employée dans le sens de toutes ses ardentes idées.
Le Conseil informé s’assembla et en vint à la détermination d’avertir M. Vézina qu’il ne compterait pas sur ses services pour l’année prochaine, qu’il désirait cependant lui voir continuer la classe jusqu’à la fin de l’année, mais à une condition, c’est qu’il s’engageât de bonne foi, à ne plus parler devant ses élèves de la question des Classiques… M. Vézina demanda du temps pour réfléchir et, le samedi Saint (possiblement le 15 ou le 22 avril, en 1865). il vint trouver M. Gingras pour lui dire qu’en honneur, il ne pouvait pas prendre l’engagement que le Séminaire lui proposait. Puis après des plaintes amères sur la conduite que le Séminaire tenait vis-à-vis lui, il nous quitta. Il est aujourd’hui vicaire à St-Nicolas (rive sud de Québec) pour aider M. Baillargeon, travaillé de rhumatismes. L’Archevêché dans tous son personnel approuve complètement la conduite du Séminaire… etc… Quoiqu’il en soit, la paix règne avec plus de facilité, depuis le départ de M. Vézina ; le qui vive est donné, la prudence régnera dans les paroles. Vous n’avez pas d’idée de l’ardeur qu’ont mise et que mettent encore les Gaumistes à faire leur propagande : on dirait des sectaires… etc… » (2)

Après sa démission, alors qu’il aide au Curé Baillargeon de la paroisse de Saint-Nicolas, Désiré ne semble pas découragé ni abattu par ces événements ; il manifeste autant de détermination à soutenir ses idées. De sa correspondance avec son ami Alexis Pelletier on lit : « … Il n’y a pas de journée que nous ne parlions de la question des Classiques, et j’espère lui avoir fait connaître (au Curé Baillargeon sans doute) bien des choses qui pourront servir la cause des Classiques. J’ai reçu une lettre de Monseigneur : Je reste ici jusqu’au quatrième dimanche après Pâques et je dois me rendre à Rimouski… je ne sais pas si j’aurai le temps d’arrêter chez mes parents avant de descendre… etc… »

signature Desire Vezina

signature de l’Abbé Désiré Vézina (photocopiée des archives du diocèse de Rimouski

Le départ en catastrophe de Désiré et les raisons pour lesquelles il a été forcé de quitter le Séminaire ont dû créer un choc chez son père Olivier (devenu veuf l’année précédente), car on peut dire que son fils était « sorti par la porte d’en arrière ». Il a défié les autorités du Séminaire, critiqué l’enseignement établi et semé la pagaille dans l’institution avec son ami Pelletier. On peut aussi penser qu’Olivier était fier de ce fils, malgré les gestes posés ; son fils aîné, qui possède un tempérament impétueux certes, mais le caractère fort, déterminé, capable de défendre ses idées et les valeurs auxquelles il croit. En se situant dans le contexte de l’époque, où l’Église catholique jouit d’un grand prestige, il se peut également qu’Olivier ait été humilié du comportement de ce fils ; il a pu interpréter les agissements de Désiré comme une gifle donnée à l’Église, une insubordination plus ou moins acceptable de la part d’un membre du clergé. L’éducation que lui-même a tenté de donner à ses enfants au prix de durs sacrifices est un peu remise en cause… Difficile d’interpréter ce qu’il ait pu vivre en tant que parent en cette circonstance particulière. Quoiqu’il en soit, cet épisode divisa le clergé du Québec pendant une quinzaine d’années.

Après avoir passé quatre semaines à la paroisse de St-Nicolas, l’Abbé Désiré se rend, tel que demandé, à la paroisse de Rimouski. La région du Bas-du-Fleuve est très peu développée à l’époque. On peut l’imaginer facilement empruntant les moyens de transport disponibles au milieu du XIXè siècle ; le train ne va pas plus loin qu’à Rivière-du-Loup. Il doit donc emprunter le chemin Royal qui n’a de royal que le nom, étant à peine praticable. Il aurait pu se rendre par bateau-vapeur, bien qu’il soit un peu tôt dans la saison pour ce faire. Il existe également un « service de diligences » offert aux voyageurs allant vers le Bas-du-Fleuve. Les déplacements sont quasiment épiques ! C’est quand même du temps propice à la réflexion, toujours présente chez un tel intellectuel.

Il s’agit bien d’un déracinement pour ce jeune prêtre. Il est habitué à l’ambiance toute particulière du Séminaire, la vie communautaire, l’enseignement, le contact avec les étudiants, etc… Rimouski fut longtemps desservie par des missionnaires ambulants. Au moment de l’arrivée de L’Abbé Désiré, c’est dans une toute nouvelle église, que ses responsabilités l’attendent ; elle deviendra en 1867, soit deux ans plus tard, la cathédrale de Rimouski. Il y passe un an et est ensuite nommé curé à Matane en 1866, pour une population de 1800 âmes. Il n’y exerce son ministère que pendant deux ans, mais sait gagner l’estime et la confiance de ses paroissiens. Il est appelé par son évêque, Mgr Langevin « … les intérêts de la religion vous réclament. Vous vous soumettrez avec empressement aux décrets de la divine Providence et vous entreprendrez avec confiance la charge importante, mais difficile, qui vous est proposée… veuillez me répondre par le retour de la malle » (3)

Il est nommé directeur des ecclésiastiques, c’est-à-dire, des étudiants en théologie ; il doit exercer ces nouvelles fonctions dans des conditions matérielles qu’on peut qualifier de précaires « Cette école connut son véritable essor en 1863… C’est à ce moment-là que commença une lutte très dure contre les hommes et contre les difficultés matérielles. Cette époque qui vit la création du Séminaire de Rimouski, est sûrement l’une des plus douloureuses qui s’est déroulée dans les murs de la première église de pierre de Rimouski » (4)

eglise Rimouski 1824

Outre ses fonctions de directeur, il doit assumer la charge de professeur ; il est responsable de leur donner une bonne formation théologique autant que spirituelle. C’est lui qui recommande ces sujets à l’évêque au moment de l’ordination. La construction d’un nouveau séminaire est lancée en 1869 et, tout en demeurant directeur du Grand Séminaire, il devient assistant-supérieur (l’assistant de l’évêque) et aussi directeur et surveillant des travaux de ce projet. Il lui revient d’adresser les demandes de financement qui y sont reliées. La vie de cette bâtisse sera malheureusement de courte durée puisque le feu viendra ravager tout ce dur labeur lors de l’incendie du 5 avril 1881.

En 1876, suite au décès subit du curé de Trois-Pistoles, c’est l’Abbé Désiré Vézina qui est choisi pour le remplacer : « Monseigneur choisit pour le remplacer à la tête de la paroisse la plus importante du comté, tant au point de vue de la richesse que de la population, M. D.Vézina, chanoine de Rimouski et archiprêtre du diocèse » (5)

Au moment de la prise de possession de sa nouvelle cure, le 15 octobre 1876, la paroisse compte 3,000 personnes environ. On entame ici toute une période de controverse, d’opposition comme on en voit encore aujourd’hui lors de grans projets ; La tâche sera laborieuse, c’est le moins que l’on puisse affirmer. La « guerre des clochers » prendra tout son sens à Trois-Pistoles, puisque cette lutte a duré une vingtaine d’années ; à un certain moment il y a jusqu’à 3 églises pour cette même paroisse ! Désiré fait donc son entrée dans cette paroisse avec la conscience qu’il devra négocier avec des personnes « divisées ». En 1881, Trois-Pistoles est plutôt à l’aise financièrement et son développement est prometteur. Cependant, « la quatrième église menaçait de s’écrouler. En effet, dès 1877, la détérioration de l’église des dissidents, construite sans architecte, oblige les paroissiens à choisir entre réparer à coût prohibitif ou à en construire une nouvelle ». (6)

Les paroissiens demandent à leur évêque l’autorisation « de construire une église en rapport avec la richesse de ses habitants et l’avenir de la paroisse… quel qu’en soit le prix… il faut que ce soit merveilleux ». Quant à l’Abbé Désiré, selon l’historien J-Frs Beaulieu, « il espérait briser les derniers lambeaux des chicanes qui avaient divisé les tenants de la troisième et de la quatrième église ». (7)

Desire photo de Livernois

Photo de L’Abbé Désiré prise par Livernois photographe
(Archives Nationales du Québec)

En 1878, à la demande de son évêque, le Curé Désiré Vézina doit faire exhumer des corps du cimetière de la Pointe, pour les transporter près de l’église « d’en haut ». Il s’attire ainsi la foudre d’un petit groupe, fort actif qui lui fait une lutte ouverte. Les lettres adressées à l’évêque n’ayant pas donné les résultats escomptés, ils adressent une requête directement au Pape Léon XIII le 18 avril 1882. La discorde est bien installée comme en font foi de nombreuses lettres de plaintes et de dénonciations. Les réponses de l’Abbé Désiré à ces accusations sont admirablement « bien tournées » dans un français impeccable ; sa plume peut aussi devenir mordante, incisive.

Voici un trop court extrait, tiré d’une lettre de plusieurs pages adressée à son évêque:

« 4 – Ces réflexions faites, je tiens à vous dire, Monseigneur, que déjà vous auriez ma démission entre les mains, si des considérations majeures ne m’en empêchaient. J’aime à dire à votre Grandeur que je ne tiens pas plus aujourd’hui qu’il y a six ans à la paroisse des Trois-Pistoles au point de vue de la position et des revenus. Je ne me sens pas tourmenté par cette maladie. Mais j’y tiens, parce qu’en partant, je ferais le jeu de mes adversaires, ou plutôt de mes ennemis et qu’après avoir réussi à délivrer la paroisse du joug de cette clique, je leur donnerais, par mon fait, le champ libre. Je tiens à la paroisse des Trois-Pistoles parce que j’y ai déjà beaucoup travaillé, et que j’y sens une population foncièrement religieuse et dont l’immense majorité m’est toute dévouée. J’y tiens, parce que, après avoir vaincu tant de difficultés avec son concours, il ne serait pas généreux de ma part de l’abandonner au moment où elle compte sur moi pour mener à bonne fin l’œuvre commencée et poursuivie malgré tant de difficultés »… (8)

J’ajoute ici, pour une meilleure compréhension de la situation, que L’Abbé Désiré devait conjuguer ses actions avec un évêque décrit comme « le type d’évêque autoritaire, d’une autorité absolue et sans appel, ambitieux, méticuleux, capable même d’agressivité, d’injustice et de tyrannie » (selon l’historienne Andrée Désilets). Gérald Caron écrit aussi que: « Mgr Langevin a laissé le souvenir d’un homme à la fois dur et tendre, violent et doux, fier et humble, aimé et redouté… généralement respectueux mais parfois impertinent… » Donc, il doit conjuguer avec la controverse d’un côté et l’incompréhension de l’autre.

Revenons à l’érection de l’église des Trios-Pistoles : c’est à partir des pierres récupérées de l’ancienne église (celle d’en bas, construite en 1841) que l’on établit les fondations. Celles qui manquent sont prélevées sur la terre du notaire Rousseau et autres terres des environs. Toute la construction est de pierre taillée et en bois. Elle sera ouverte au culte en juin 1888, lors de la bénédiction par Mgr Langevin. À ce moment, elle a des bancs pour asseoir les fidèles, mais aucune décoration intérieure. Cette impressionnante construction ne peut qu’attirer l’œil des visiteurs. Ses dimensions sont de 209 pieds (64 mètres) de longueur sur 70 pieds (21.5 mètres) de largeur et 40 pieds (12.3 mètres) de hauteur coiffée par trois clochers. La façade présente une tour centrale dominante flanquée de deux tours clochers positionnées en angle de chaque côté. La coupole au revêtement en « écailles de poissons » lui donne un style byzantin. À l’intérieur de cet immense temple, on peut admirer les deux petites nefs du transept qui reproduisent les bras d’une croix latine. Enfin, plusieurs éléments distinguent cette œuvre qui possède aussi un orgue Casavant. En 1896, le Curé Désiré a fait cadeau à la paroisse de deux souvenirs rapportés de son voyage à Rome : une sculpture en métal représentant Saint-Pierre (dans le transept gauche) et une statue de Saint-Théodore (dans la chapelle du sous-sol). Les travaux de construction auront coûté $37,000. dont $20,000. fournis par les paroissiens et $17,000. par la fabrique. Désiré ne pourra cependant pas terminer cette œuvre qu’il avait entreprise. Ce n’est qu’en 1901 que le curé Morisset parachèvera la décoration intérieure ; ce travail coûtera le même prix que tout le corps de l’édifice !

eglise de Trois Pistoles

L’église de Trois-Pistoles (photo par Gérard Vézina)

Dans sa vie plutôt bien remplie, l’Abbé Désiré Vézina exercera aussi une présence « paternelle » auprès des Sœurs de Jésus-Marie qui l’appellent familièrement « notre père ». Il fait pour elles des démarches auprès du Surintendant de l’Instruction-Publique pour obtenir l’aide financière dont elles ont besoin. Les Annales mentionnent aussi qu’il fit maintes fois des « dons tangibles » à la communauté. Le 31 octobre 1895 « Notre Père fait don à la communauté de $1600.00 ». En février 1897 « … un quartier de bon bœuf ». Deux de ses nièces viendront poursuivre leurs études chez les Sœurs de Jésus-Marie : la fille aînée de son frère Maxime (Alice qui prendra le nom de Mère Saint-Maxime) et la fille de son frère Fénélon (Ernestine qui entrera aussi en religion). Mère Saint Maxime (Alice Vézina) aura une vie très active chez ces religieuses; elle fut directrice de plusieurs maisons de sa communauté et fit plusieurs voyages en Europe et aux Etats-Unis. Elle mourut à Rome en 1953.

L'Abbe Desire (3-Pistoles)

L’Abbé Désiré à un âge plus avancé

Toutes ces années de labeur ont affecté sa santé. Alors qu’il nous apparaît plutôt conservateur, traditionaliste dans ses jeunes années de prêtrise, on le découvre par ailleurs plutôt ouvert d’esprit, capable d’emprunter des sentiers nouveaux dans une église aux cadres rigides. Il soigne sa propre tuberculose par la méthode Kneipp (qu’il a apprise lors de son voyage à Rome et en Terre Sainte) ; il applique aussi ce traitement chez quelques patients. Le 20 décembre 1896, la supérieure du couvent des Sœurs Jésus-Marie de Trois-Pistoles écrit : « Mr le Chanoine Vézina soigne avec tant de succès, d’après le système hydrothérapique, que les malades arrivent de toutes parts pour le consulter… Deux autres patientes qui souffraient de cette horrible maladie viennent de guérir par ce traitement » … « … depuis que je me traite d’après les avis de Mr le Chanoine Vézina, ma santé est presque parfaite la grippe ne me taquine plus, je ne suis plus la même ». (10)

C’est au retour d’un voyage en Europe qu’il apprend que son évêque le demande à la paroisse de St-Germain de Rimouski. On a besoin de ses services pour parachever l’église cathédrale. Ce n’est pas sans déchirement qu’il devra se séparer de ses paroissiens et amis avec qui il a tissé d’étroits liens depuis vingt-et-un ans.

Les adieux de Désiré à ses paroissiens aura été, selon les écrits d’un voyageur étranger qui était présent « le plus touchant et le plus bel adieu qu’il m’a été et qu’il me sera jamais donné d’entendre. La beauté des sentiments comme la phrase belle et touchante qui les rendait … Il était visible que cet homme de Dieu accomplissait un grand sacrifice et les larmes que je voyais couler autour de moi, me disaient que les liens plus qu’ordinaires réunissaient ce prêtre à cet auditoire. …Je n’oublierai jamais le solonnel et la grandeur de cette bénédiction qu’il appela du ciel sur la tête de ses enfants et dont les mots étaient noyés dans les larmes du pasteur et des paroissiens ». (11)

L’Abbé Désiré décède à l’Hôpital Général de Québec le 3 décembre 1906 âgé de 70 ans ; il sera cependant inhumé dans le sous-sol de sa chère église de Trois-Pistoles, où nous pouvons voir l’épitaphe qui y fut érigée en sa mémoire dans cette petite chapelle.

epitaphe Desire (moyenne)

photo de l’épitaphe de Désiré Vézina
prise par Gérard Vézina en 1990
à la petite chapelle du sous-sol de l’église de Trois-Pistoles

Pour conclure cette biographie choisissons l’extrait de l’oraison funèbre prononcée par Monseigneur L.J.Langis dans l’église Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles le 6 décembre 1906 ; celle-ci résume bien la personnalité de Désiré :

« …J’aborde ici, mes frères, un côté de la vie de M. Vézina que vous connaissez bien… vous l’avez vu plein de compassion pour le pauvre, ouvrant largement sa main à l’indigence, ému devant la misère matérielle, comme devant la misère morale, prêt à porter secours à l’orphelin sans ressource, vidant sa bourse pour protéger le talent qui n’a pas d’argent, capable de pleurer et pleurant devant l’infortune. Comme il se sentait heureux de pouvoir aider un jeune homme bien doué, qui pourrait briller dans ses études, devenir un sujet précieux pour l’Église ou la société ! Vous savez combien il en a protégé et comment ses protections sont tombées sur des sujets distingués, vous savez combien de jeunes gens ont trouvé dans le cœur magnanime de ce prêtre des ressources qui leur ont permis de s’ouvrir une carrière où ils se trouveraient à l’aise et où le talent pourrait s’affirmer.

« M. Vézina appartenait à une famille à l’aise. Il n’avait pas été, comme beaucoup d’autres, l’occasion de grandes privations au foyer paternel pour permettre à l’enfant de s’instruire. Au sortir de ses études, il n’emportait pas sur ses épaules le fardeau d’une lourde dette à payer pour l’instruction reçue. Il avait été à l’abri de toutes ces misères… Quand son père dut quitter ce monde, il confia à son fils une somme notable dont il pouvait encore disposer à ce moment. M. Vézina est-il mort riche avec toutes ces ressources ? Non. Tout le long de sa vie, sa main gauche a ignoré ce que sa main droite donnait si libéralement… Pour lui-même tout était bon ; il était d’une simplicité vraiment sacerdotale : sa table, ses habits, ses attelages, son ameublement n’avaient aucun luxe, aucune prétention ; c’étaient pour lui des détails secondaires, qui le préoccupaient fort peu et ne lui causaient aucun souci : et avec cela, une parole sympathique, une grande bonhomie, une joyeuse conversation, des manières qui rendaient son abord facile, son commerce agréable et sib hospitalité si aimable.

« Laissez-moi vous rappeler l’acte que je considère comme le plus propre à faire comprendre tout ce qu’il y avait de grand au cœur de M. Vézina, celui où il s’est montré vraiment généreux…, c’est celui par lequel il s’est résigné à laisser, comme curé, cette belle paroisse de Trois-Pistoles qu’il avait dirigée si longtemps, avec laquelle il s’était identifié, où son âme avait jeté de si profondes racines… et il a fait ce sacrifice à un âge où déjà l’on sent que le déclin de la vie est arrivé… Qui dira jamais ce que ce bel édifice, aujourd’hui si magnifiquement terminé, lui a coûté de soucis, de sollicitudes, de méditations, de démarches, de voyages, de calculs inquiets ?

« Comme son père, pilote, intrépide marin, vieux loup de mer, avait longtemps connu les périls de nos mers, s’était débattu bien souvent avec les ondes perfides et était cependant arrivé à un âge avancé, ayant conservé une verdeur qui ne s’était pas démentie, ainsi le fils, dans une autre sphère, sur d’autres mers aussi redoutables, a eu à supporter les mauvais temps, les bourrasques, sans jamais se laisser engloutir… il a soutenu ces luttes avec une fermeté inébranlable, sans jamais haïr les personnes. »

Voilà, parmi les ancêtres Vézina un personnage duquel nous pouvons être fiers, un homme entier, franc, à la fois actif et réfléchi, généreux et laissant derrière lui de beaux et grands accomplissements.

Référence : « Nos Aïeux Vézina » 2006, chapitre premier, p.15-54, par Gérard Vézina

Résumé par: Céline Bédard-Vézina, janvier 2009

1- Un gaumiste canadien, l’abbé Alexis Pelletier, par le R.P. Thomas Charland, o.p. dans Revue d’Histoire de l’Amérique Française, sept. 1947, p. 200
2- extrait d’une lettre de l’Abbé Cyrille Légaré 27 avril 1865 au Rév. Père B.Paquet et à son frère L.H. Légaré à Rome
3- Archives du diocèse de Rimouski ; cote A-4-3, corresp. générale
4- Le collège-séminaire de Rimouski, Revue d’Histoire du Bas-du-Fleuve, Vol 1, no 2, oct 1974, p.6
5- Les Trois-Pistoles, Charles A Gauvreau, 1890, revu et complété par Mathias D’Amours en 1946, p. 41
6- Les Trois-Pistoles, Charles A Gauvreau, 1890, vol. 2, p. 4 et 8
7- Notre-Dame-des-Neiges de Trois-Pistoles , Histoire et Architecture… p. 17
8- Archives du Diocèse de Rimouski, cote 355.102.1 Trois-Pistoles, généralités
9- Dictionnaire Biographique du Canada, vol. 12, p. 567 Gérald Caron
10- Annales, Couvent Jésus-Marie, Trois-Pistoles, Tome 1, p.44
11- Histoire de Trois-Pistoles, Société historique et généalogique, 1997, p. 206

Généalogie de DÉSIRÉ VÉZINA

1ère – Jacques Vezinat et Marie Boisdon
2è – François Vezinat, le puîné, marié à Marie Clément, le 10 avril 1679
3è - Pierre Vézina marié à Élisabeth Mathieu, le 22 février 1710
4è - Jean-Baptiste Vézina marié à Geneviève Trudelle, le 31 janvier 1757
5è - Pierre Vézina marié à Élisabeth Bourgault, le 10 juillet 1797
6è - Olivier (Oliva) Vézina marié à Sophie Lemieux, le 24 novembre 1835
7è - Désiré Vézina ordonné prêtre le 19 septembre 1863, à Québec